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L'Angle

Réflexions diverses, sensibilisation, éducation, vulgarisation, partage, débats, humours etc...

L’enterrement version 2016

L’enterrement version 2016

Les funérailles sans crémation, i.e. avec inhumation (mise en terre ou au tombeau), font parti des rites funéraires dits de conservation. Intimement lié à la religion, le rite funèbre varie suivant le continent, l’époque et la civilisation. En Haïti, les derniers moments “avec” le défunt sont censés être fait de recueillement, d’expressions de nos regrets et de la douleur provoquée par son départ. On assiste aujourd’hui à une désacralisation de la mémoire des disparus.

On est à la rue de l’enterrement, en périphérie du centre ville de Port-au-Prince. Il est 7:30 AM, un petit cortège accompagne la dépouille d’un quinquagénaire emporté par une crise d’hyper tension. Sur le passage du cortège, plus personne ne s’arrête ou ne se lève pour saluer la dépouille, comme il était de coutume. Quelques rares passants gêner, lancent des : “nou pap janm abitye ak sa”, “hum mezanmi kouraj, m fèk sot antere youn tou”. L’un des fils du défunt crie pour exprimer sa douleur, pour faire sentir à tous qu’il va le manquer. Il n’est pas le seul qui soit en peine, mais peu de gens sont pour ainsi dire affecté par le départ.

Une fois à l’église, le prêtre en chaire peine à trouver les mots. Le défunt est parti très tôt, dans l’assistance, il doit avoir une bonne centaine de personnes. Mais beaucoup d’entre eux ont la tête plongée dans l’écran de leur smartphone. Le rituel funèbre catholique comporte beaucoup de chants et de prières. Devant cette assistance imperméable, le prêtre se voit obliger de rappeler qu’on assiste à des funérailles, que le défunt va manquer à sa famille etc. Peine perdu ! L’assistance refuse de se mettre debout. La cérémonie se termine sans la lecture de la biographie du défunt.

Chez nous, culturellement parlant, la mort est tabou, triste et douloureuse. Ainsi très souvent quand les cortèges se rendent vers la demeure ultime du défunt, certains parents crient, pleurent et peuvent même avoir des crises convulsives. Si auparavant on oubliait les dérives de nos (anciens vivants), aujourd’hui, c’est tolérance zéro. Si l'on se déplacait pour visiter la famille endeuillée, pour présenter nos condoléances, aujourd'hui via les réseaux sociaux, l'anglicisme R.I.P (rest in peace/ power), devient le code de prédilection des moins de 25 ans.

Dans le cas présent, l’étape vers le cimetière de Port-au-Prince a été une manifestation hors paire de cette nouvelle conception des enterrements. Pas de cris ni de crises, mais des fous rires. L’ambiance était assuré par une dizaine de jeunes amis du défunt. Nous avons eu droit à une biographie spéciale, livrée par ses complices d’échappades, de virées en boîte et de zokikinerie. Ils sont âgés entre 18 et 25 ans, ils ont toute la vie devant eux et c’est avec une consternante désinvolture qu’ils ont parlé des pratiques de vie du défunt, qu’ils décrivent comme : "jilèt chandra, bon jènjan" même sur son lit d’agonie.

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